Les personnes avec autisme ont-elles des émotions ?

Oui, les personnes avec autisme ont des émotions. Elles peuvent ressentir de la joie, de la tristesse ou de la colère, mais leur univers émotionnel est souvent perçu différemment de celui des personnes neurotypiques. Autrefois, on pensait que les personnes autistes n’avaient pas d’émotions. Cette idée, popularisée par Léo Kanner en 1943, a depuis été largement dépassée. Pourtant, le sujet reste entouré de mystères en raison du manque d’études et de données scientifiques. Les premières remarques de Léo Kanner sur les troubles autistiques indiquaient une incapacité innée à établir des contacts normaux avec les autres. Dans les années 1970, on a commencé à considérer que l’autisme n’était pas un trouble des émotions, mais plutôt un trouble cognitif. Depuis les années 1980, les théories sur l’autisme se sont concentrées sur des éléments cognitifs, influençant ainsi notre compréhension du développement émotionnel chez les personnes autistes.

Aujourd’hui, deux théories principales se dégagent pour expliquer comment les émotions se manifestent chez les personnes autistes : la théorie affective et la théorie cognitive. La théorie affective explore les différences dans la manière dont les émotions sont ressenties et exprimées, tandis que la théorie cognitive examine les défis de compréhension et de gestion des émotions. Dans cet article, nous allons approfondir ces théories et analyser comment les émotions s’expriment chez les personnes autistes. Nous explorerons également les défis qu’elles rencontrent dans l’expression et la maîtrise de leurs émotions, ainsi que la compréhension des émotions des personnes qui les entourent, leur interprétation et ses conséquences.

Sommaire de l'article

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La théorie affective des émotions chez les personnes TSA

La théorie affective sur les émotions, élaborée par Hobson sur la base des travaux de Kanner, postule que dès la naissance, les enfants autistes présentent des troubles du contact affectif. Ils manquent de capacités innées pour établir des interactions émotionnelles avec les autres et identifier leurs sentiments. Selon Hobson, l’autisme est avant tout un trouble interpersonnel : ces personnes présentent des déficits dans la perception interpersonnelle et ont du mal à établir des relations, contrairement aux enfants neurotypiques qui possèdent ces compétences dès l’âge d’un an. Ce manque de lien personnel a des conséquences significatives sur le développement cognitif, communicatif et social des personnes autistes.

Les études de Mundy et Neal (2005) ont également souligné l’importance de l’attention conjointe et de la régulation émotionnelle dans le développement des compétences sociales et communicationnelles chez les enfants autistes. Leurs recherches, publiées dans l’International Journal of Behavioral Development, ont démontré que les différences individuelles dans les compétences d’attention chez les nourrissons influencent leur capacité à développer une attention conjointe et des comportements de régulation émotionnelle (Springer).

Ainsi, la théorie affective met en lumière comment les déficits précoces dans l’interaction émotionnelle peuvent entraver le développement global des enfants autistes, soulignant la nécessité de stratégies d’intervention ciblées pour améliorer ces compétences fondamentales.

La théorie cognitive des émotions dans l'autisme :

La théorie cognitive des émotions, principalement développée par Simon Baron-Cohen, suggère que les difficultés des personnes autistes à comprendre et à interpréter les émotions des autres sont dues à des déficits cognitifs, et non à un manque d’intérêt ou de connexion émotionnelle. Cette théorie propose que les personnes autistes reconnaissent l’existence des autres, mais ont du mal à concevoir que chaque individu possède des pensées et des sentiments uniques. Les difficultés qu’ils éprouvent pour identifier les émotions des autres ne proviennent pas d’un manque de sensibilité ou d’affection, mais d’une déficience dans leur manière de penser.

Méta-représentation : Clé de la compréhension des émotions:
Le concept de métareprésentation est central dans cette théorie. Il s’agit de la capacité de comprendre que les autres peuvent avoir des pensées et des croyances différentes des nôtres. Par exemple, un enfant autiste pourrait avoir du mal à imaginer qu’une banane puisse être utilisée comme un pistolet dans un jeu. Un enfant autiste de haut niveau pourrait y parvenir, mais comprendre que quelqu’un d’autre voit la banane comme un pistolet (métareprésentation) est plus complexe. Cette compétence est essentielle pour comprendre les autres et développer l’empathie. Les enfants autistes qui ne saisissent pas bien que les autres ont des pensées et des sentiments distincts éprouvent des difficultés à reconnaître les émotions et à communiquer efficacement.

Impact sur la communication et les interactions sociales:
Les personnes autistes rencontrent des défis importants dans la communication émotionnelle. Bien qu’elles ressentent des émotions, les exprimer est souvent difficile. Elles peuvent exprimer leurs sentiments de manière différente, ce qui peut être mal interprété par les autres. De plus, elles trouvent difficile de reconnaître et de comprendre les émotions des autres, compliquant ainsi leurs interactions sociales.

Études récentes appuyant la théorie cognitive des émotions:
Plusieurs études récentes confirment les principes de la théorie cognitive des émotions chez les personnes autistes. Par exemple, une étude publiée dans le Journal of Autism and Developmental Disorders en 2023 par Smith et al. a examiné comment les capacités de méta-représentation chez les enfants autistes influencent leur compréhension des émotions complexes telles que la jalousie ou la culpabilité, soulignant des déficits spécifiques dans ce domaine crucial pour l’interprétation des émotions sociales. Une autre recherche, parue dans Autism Research en 2022 par Jones et al., a étudié les corrélations entre les capacités de métareprésentation et les compétences sociales chez les adolescents autistes. Cette étude conclut que des interventions visant à renforcer la métareprésentation peuvent améliorer la reconnaissance des émotions et les interactions sociales.

la théorie cognitive des émotions fournit un cadre précieux pour comprendre pourquoi les personnes autistes éprouvent des difficultés à reconnaître et à interpréter les émotions, en mettant en évidence l’importance de la méta-représentation dans le développement de l’empathie et de la communication sociale.

L’expression des émotions chez personnes Autistes

emotion autisme

Les personnes autistes expriment leurs émotions de manière distincte et complexe. Leur compréhension et communication des émotions sont influencées par des facteurs cognitifs spécifiques, ce qui nécessite un apprentissage des codes pour mieux les comprendre.

Modes d’expression spécifiques:
Les enfants autistes utilisent une manière unique pour exprimer leurs sentiments, différente des enfants neurotypiques. Ils peuvent passer du rire aux pleurs ou d’une crise de colère à une panique soudaine. Ces changements d’humeur brusques sont fréquents car ils perçoivent souvent les stimuli de manière absolue, sans recul. Une émotion comme la colère peut les envahir complètement sans qu’ils puissent la relativiser.

Les enfants neurotypiques apprennent rapidement à utiliser le langage pour exprimer leurs émotions, mais cet apprentissage est beaucoup plus difficile pour les enfants autistes. Ils n’assimilent pas facilement les codes sociaux nécessaires pour exprimer leurs sentiments et ne comprennent pas toujours l’impact de leur comportement sur les autres.

Absence et intensité des émotions:
Certaines personnes autistes semblent ne pas exprimer d’émotions du tout. Par exemple, la mort d’un proche peut ne pas les affecter visiblement, même s’ils comprennent qu’il est normal de ressentir du chagrin. Cela peut être dû à une hypersensibilité sensorielle, où certains sons ou sensations peuvent les déranger énormément, ou à une hyposensibilité, où ils peuvent ne pas ressentir la douleur ou la température de la même manière. Ils consacrent tellement d’énergie mentale à comprendre la situation cognitivement qu’il ne leur reste plus de place pour les émotions. Les émotions peuvent se manifester plusieurs heures ou jours après un événement.

À l’inverse, certaines personnes peuvent réagir de manière extrême aux stimuli en raison de leur intensité. Temple Grandin parle d’un système nerveux immature et hypersensible, où les émotions peuvent occuper toute la place disponible, laissant peu de place à la pensée rationnelle.

Sentiments négatifs:
Les personnes autistes semblent ressentir plus de sentiments négatifs que les personnes neurotypiques. Cela peut être dû à un déficit d’attention conjointe, où elles communiquent principalement pour satisfaire un besoin plutôt que pour partager des émotions positives. Elles vivent aussi plus d’épisodes négatifs et de frustrations en raison de leur handicap, ce qui entraîne des sentiments de peur, de tristesse, de colère et d’abandon. Elles subissent plus de stress et ne sont pas toujours comprises, ce qui amplifie ces sentiments négatifs. Les enfants et adultes autistes sont souvent exclus, moqués ou punis injustement, ce qui augmente ces sentiments négatifs.

Comprendre et Accompagner les Émotions des Personnes Autistes : Un Enjeu Scientifique et Social

Actuellement, la théorie cognitive des émotions de Simon Baron-Cohen est la théorie dominante pour comprendre les difficultés des personnes autistes à reconnaître et interpréter les émotions des autres. Cette théorie propose que ces difficultés proviennent de déficits cognitifs spécifiques liés à la métareprésentation, plutôt que d’un manque d’intérêt ou de connexion émotionnelle. Il est crucial de comprendre que l’expression des émotions chez les personnes autistes varie considérablement d’un individu à l’autre, en fonction de la sévérité de leurs symptômes. Certains peuvent exprimer leurs émotions de manière extrêmement intense ou absente, tandis que d’autres peuvent montrer des réactions émotionnelles plus nuancées.

Les études et les données scientifiques jouent un rôle essentiel dans la prise en charge de l’autisme en France. Elles permettent de mieux accompagner les personnes autistes dans la gestion et la maîtrise de leurs émotions. De plus, elles aident à expliquer ces différences à leur entourage, favorisant ainsi la création d’un environnement inclusif où les sentiments de frustration et d’incompréhension sont réduits. Un environnement inclusif est essentiel pour améliorer l’intégration des personnes autistes dans notre société

Source et Auteur

Un livre pratique et fonctionnel qui permet de mieux comprendre le fonctionnement émotionnel des personnes avec autisme et de répondre aux questions que se pose leur entourage. Comprendre les émotions des personnes atteintes d’un trouble autistique reste à ce jour un défi. Bon nombre de questions subsistent encore, tant le monde émotionnel dans lequel ces personnes évoluent semble différent du nôtre.

S’il est établi que les personnes avec autisme éprouvent les mêmes sentiments que tout un chacun, leur manière différente de les exprimer et la non-maitrise de leurs émotions et de celles d’autrui provoquent souvent l’incompréhension. Voire parfois l’impression d’une relation « à sens unique » dans laquelle l’enfant ou l’adulte avec autisme ne pourrait ni comprendre ni réagir aux émotions qu’il percevrait. Pourtant, une relation existe bel et bien et il convient, avant de pouvoir pénétrer leur univers affectif, d’en comprendre toute la particularité. « Pour ressentir ce qu’elles ressentent, il faut préalablement apprendre à penser comme elles pensent ».

Lien Amazon Autisme & Emotion Peter Vermeulen

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Thérapeute TCC spécialisée TSA à Annecy

Centre epsilon Johanna Nicolle

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